"Data". Que sont les data dans un projet de Gouvernement Ouvert?

Je voudrais revenir sur l’Open Data d’autant que je viens de regarder le tweet de Cyril Lage qui propose une interview de Dominique Cardon sur ce sujet.

D. Cardon est un sociologue connu dont les travaux sont intéressants. Mais lorsqu’on écoute son discours sur l’Open Data on doit se dire qu’il y a pas mieux pour torpiller un projet. Il existe plusieurs façons de saboter un projet dont s’opposer à lui de toutes ses forces, mettre des obstacles à chaque pas et déclarer que le projet est merveilleux et ne peut que conduire au meilleur des mondes. Mais la meilleure façon est de faire comme si l’objet du projet était connu ou parfaitement déterminé. Or rien n’est moins connu que le terme de “data”.

J’ai déjà écrit dans Edgeryders que l’on devrait faire comme si nous ne savions pas ce que veut dire “Open Data” et qu’il fallait construire l’objet en utilisant par exemple la modélisation non-standard. Mais prenons maintenant “data”? Qu’est-ce que c’est?

Des quantités, des qualités? Mais pourquoi pas les raisonnements qui ont permis de traiter ou d’obtenir ces quantités et ces qualités? Comme ce sont des chaînes algorithmiques, computées ou non, nous pouvons les prendre pour des données, structurées. Mais pourquoi ne pas considérer que les “data” sont aussi les connaissances mobilisées pour traiter ces données ou les obtenir ou d’autres “données” venues de l’extérieur mais de manière masquée.

Enfin de compte l’Open Data ne devrait-il pas être de rendre clair et disponible l’ensemble des informations utilisées et produites par des gouvernements, leurs administrations, etc.? Les data ne sont pas seulement des collections de quantités ou de qualités.

Négliger cela revient, ce que j’ai déjà écrit, à fournir du “raw material” à des gens qui ne pourront rien en faire et qui, après avoir essayé de l’utiliser, s’en remettront à des spécialistes, c’est-à-dire de gens qui rendront nécessairement les mécanismes d’action, de prise de décision, obscurs, non partagés et partageables par la communauté.

Bien sûr, pour créer une nouvelle industrie, de nouveaux marchés, faire ainsi est une bonne voie. Toute industrie a besoin de “raw materials” et a tendance, puisque les industries sont en compétition, a préférer que ces matières premières ne puissent être traitées que par des spécialistes. Et personne ne souhaite que l’on considère ces modes de raisonnement comme des données, des datas.

Mais est-ce une bonne voie dans le cadre d’un OpGov? J’en doute. J’en doute parce qu’en ne rendant pas claire la façon qu’à une administration, un politique, de traiter des informations et d’en tirer des conclusions, des propositions d’action, nous, citoyens sommes réduits à l’impuissance ou à l’invective. Par contre en ayant accès à cette sorte de data, nous pouvons d’abord vérifier si le process a été bien mené, si les data utilisées pour traiter d’autres data sont de qualité et nous pouvons aussi nous approprier ce process pour traiter à notre tour d’autres data. Vous me répondrez que ce transfert doit se faire à l’école. Mais déjà il faudrait que cette sorte de donnée soit accessible pour pouvoir être enseignée et je ne vois pas pourquoi elle serait le bien des pédagogues.

Si nous devons être dans une société dite de connaissance nous ne pouvons pas garder les data qui permettent de traiter d’autres data comme des biens personnels ou des produits de peu d’intérêt. Et si nous voulons qu’un gouvernement ouvert fonctionne, les data doivent être définies, qualifiées, avant d’être mises à disposition. Et nous devons pouvoir vérifier la qualification donnée.

Nous avons besoin de données de qualité et non de quantité de données en fin de compte informes.

À quoi ça rime?!

C’est à ce point précis de l’espace, que se dessine la différence entre les données ouvertes et le gouvernement ouvert.

Nous nous rendons très vite compte, que seulement des politiques de données ouvertes, cela forme un ensemble incomplet.

Nous nous rendons très vite compte, également, que certaines politiques de données ouvertes ne riment à rien.

Le problème actuel, à mon avis, est que les gouvernements ne sont pas à l’aise avec la notion de transparence. Ils ont peur de donner l’ordre d’abattre les murs épais et opaques de leurs institutions pour les faire remplacer par du verre transparent, afin que tout le monde les voient à l’œuvre, sans rideaux pour les cacher.

Preuve justificative de ceci: avant même de songer à libérer des données, ils dressent d’abord la liste de ce qui n’est pas libérable.

Il arrive souvent que les projets expérimentaux de portails de données ouvertes comportent peu d’ensembles de données «nouvelles». Par exemple, le gouvernement fédéral du Canada a libéré peu de ce type de données, lorsqu’a été lancé un projet expérimental en mars 2011.

David Eaves a fait ce constat: “Probably the most important thing about data.gc.ca is that it exists.”

The number of “high value” datasets is, relatively speaking, fairly limited.” (Réf.: Canada launches data.gc.ca, what works and what doesn’t work, 17 mars 2011 http://eaves.ca/2011/03/17/canada-launches-data-gc-ca-what-works-and-what-is-broken/ ).

Le nombre d’ensembles de données de «grande valeur» sont, relativement parlant, assez limités. Cela revient à dire que la plupart sont de peu d’intérêt.

Prenons un autre exemple. La ville de Rennes, en France, est considérée comme un précurseur en République française, avec la libération des données du service vélo STAR: disponibilité des vélos et des bornes, possibilités de paiement, actualités. (Réf.: Rennes et Keolis, ils ont osé! Libertic, 1er mars 2010 http://libertic.wordpress.com/2010/03/01/77/).

Tant mieux s’ils ont osé! Pourrait-on oser un peu plus que cela svp? Depuis mars 2010, des données concernant le budget ont été ajoutées par Rennes. Il faudrait maintenant vérifier et analyser si ces données ont été appropriées par les citoyens, et si cela a donné lieu à améliorer la gestion administrative de cette municipalité. (Entre vous et moi ---- j’en doute fort.)

Il est ÉVIDENT que des tentatives de données ouvertes NE RÉPONDENT PAS encore tout à fait aux aspirations des citoyens. Il doit y avoir des milliers de problématiques, qui relèvent de la responsabilité d’un gouvernement, qui ne sont pas solutionnées. Ne pourrait-on pas en prendre une, ne serait-ce qu’une des moins criantes, pour tester un projet expérimental de gouvernement ouvert?

Je reviens encore et toujours sur l’exemple de Open Ideo. Cette plate-forme, a su intégrer dans un processus de participant et de collaboration, une place de choix à la créativité.  http://www.openideo.com/ J’aimerais tellement voir un gouvernement oser mettre sur pied un projet semblable, et utiliser une plate-forme de ce genre, en la liant avec des ensembles de données libérées pour l’exercice, et demander l’aide et la collaboration des citoyens.

Mais pour faire cela, il faudrait d’abord reconnaître que la gestion gouvernementale n’est pas parfaite, qu’elle comporte des lacunes, et que les équipes en places ne sont pas parvenues, à elles seules, à gérer certains dossiers. Il faudrait par ailleurs que des dirigeants admettent qu’ils pourraient avoir commis des erreurs, ou encore que le gouvernement ne possède pas toutes les réponses. Cela exigerait par conséquent un grand acte d’humilité de la part des dirigeants (qui ont peur de ne pas être réélus s’ils ne démontrent pas qu’ils sont infaillibles). Et cela exigerait aussi que les dirigeants réalisent que les citoyens ont des capacités et qu’ils peuvent contribuer (trop souvent, les citoyens sont perçus comme des imbéciles, ou encore comme des enfants qui sont incapables de penser par eux-mêmes).

Il y a beaucoup d’éléments qui font obstacles au développement des données ouvertes et du gouvernement ouvert. Cela revient toujours plus ou moins à la peur du changement, ou encore est lié au côté sombre du pouvoir.

Innovation et bricolage

Je trouve cette plate-forme OpeIDEO très intéressante et avec une démarche réaliste: réglons un pb local. Je trouve que cela fait aussi appel à la notion de bricolage que l'on retrouve chez Claude Lévi-Strauss 
http://www.cde4.com/fra/respedago/philosophie/2500.htm
http://www.institutfrancais.com/adpf-publi/folio/levi/08.html
 
ou A-G Haudricourt
http://www.youscribe.com/catalogue/presse-et-revues/propos-ii-de-andre-georges-haudricourta-article-n-16-vol-8-pg-1067909

The concept of quality is at the core of many of our ideas. It is a process. Any form of production activity involves sets of interlinking processes. - Dan Sciscente