« Qui veut sauver le monde avec nous? »

L’avenir de la société mondiale passe, sans aucun doute, par de nouveaux développements de l’Internet et une intensification marquée de ses usages collectifs globaux, continentaux, régionaux et locaux. (Cf, dans un précédent billet, l’opendata, le partage des ressources de données et la tendance marquée vers le #gouvernement_ouvert, l’e-governance plus l’open-government).

Aussi, à l’heure où l’on évoque comme une réalité quasiment acquise - en « réalité augmentée » bien sûr - le Web 3.0, ce web sémantique régi par un systèmes de métadonnées où les réseaux sociaux commenceraient à s’interconnecter pour parler ensemble, est-il temps de s’interroger utilement.

Alors même qu’un Joel de Rosnay, père spirituel du pronétariat, pense déjà à un Web 4.0, un web symbiotique en connexion permanente et universelle, en symbiose ubiquitaire, avec l’intelligence collective ambiante, ne faudrait-il pas jeter d’urgence les bases formelles et connectiques d’un encore utopique #GlobalSocialNetwork³, modéliser un réseau mondial des réseaux de réseaux associatifs? Afin que tous ceux qui oeuvrent semblablement au bien commun, au sein de l’énorme mouvance associative des sociétés civiles, partout dans le monde et dans divers domaines d’implication sociale, soient interconnectés, audibles, visibles et compréhensibles de leurs pairs. Tous à même de faire connaissance ou mieux se connaître, et surtout échanger rapidement, directement et efficacement leurs idées et leurs pratiques…

GlobalPeer2Peer©jackyd

Aujourd’hui, beaucoup de gens au sein d’associations et d’organisations diverses veulent changer le monde. Mais ils le veulent tous de manières différentes, à des moments différents, dans des langues et des lieux différents, sans se connaître. Et souvent sans possibilités concrètes de partager leurs expériences, d’échanger leurs bonnes pratiques ou simplement leurs impressions et réflexions sur l’état du monde, proche ou lointain, qui les entoure.

Prenons des exemples. Dans une seule des 19 communes de la région officiellement bilingue de Bruxelles, capitale de l’Europe, où se côtoient journellement une centaine de nationalités, si pas de communautés européennes et extra-européennes, à Saint-Gilles pour ne prendre que ce paradigme bruxellois de la multiculturalité locale (42% de sa population sont de nationalité non-belge, mais bien plus encore sont d’origine immigrée parmi ses quelque 45.000 habitants), il est déjà extrêmement difficile d’inventorier de façon précise et exhaustive les dizaines voire les centaines d’initiatives culturelles formant en couches superposées et parfois étanches un tissu associatif dense, concentré sur 3 ou 4 km².

Que dire alors du réseau local des seules interconnexions associatives saint-gilloises? Ou des relations réticulaires, existantes ou non, avec l’ensemble du maillage interculturel potentiel, bruxellois et belge? Ou de leurs extensions virtuelles possibles ou probables vers les dix localités étrangères (9 en Europe, 1 au Maroc) auxquelles cette commune bruxelloise est jumelée?

Bon nombre des organisations culturelles et autres évoquées dans cet amoncèlement de structures citoyennes auraient pu à bon droit revendiquer une place au sein du « Rassemblement des Résistances Innovantes », belle tentative de mobilisation en réseau qui a tenté de se constituer, sur un plan communautaire francophone, dès 2007, pour fédérer quelque peu tout un monde alternatif agissant en ordre dispersé. Noble intention mais moyens - techniques, humains et financiers - alors plus que limités: il eût probablement fallu commencer, sur la suggestion de l’auteur de ces lignes, par établir un cadastre socioculturel, une « cartographie » au moins virtuelle, si pas une véritable stratigraphie territoriale, du tissu associatif concerné. Sa complexité a sans doute eu, d’emblée, raison du projet. Sa complexité, l’absence d’outils d’interfaçage appropriés en ligne et, bien sûr, la méconnaissance mutuelle des uns et des autres…

Pour prendre un autre exemple, les pionniers des Jardins Solidaires urbains (tels qu’il en existe deux ou trois à Saint-Gilles précisément, à l’image de leurs grands ancêtres les Jardins communautaires québecois, nés en 1975!) semblent inconnus ou oubliés aujourd’hui, sur Internet, des dynamiques initiateurs belges des « Jardins collectifs » – pourtant rigoureusement sur le même axe d’action environnementale et sociétale. Lesquels verts activistes sont éventuellement considérés de très loin par les Jardins de Cocagne français, sinon les AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne). Qui eux-mêmes ne sont pas nécessairement en relation avec le Slow Movement (Slow food, Slow life) paneuropéen. Ou encore le mouvement plus récent en France et en Belgique des « Villes en Transition », inspiré par le « Transition Towns Network » lancé dès 2006 en Angleterre par la petite ville de Totnes (Devon) et le jeune professeur Rob Hopkins, sur base de quelques principes simples comme la permaculture (agriculture permanente), les circuits économiques courts et surtout la résilience environnementale, forme d’empowerment local.

Mais souvent anglophones et francophones s’ignorent – pour ne s’en tenir qu’aux deux langues véhiculaires usuelles de la diplomatie ancienne, sans parler des hispanophones, germanophones, russophones, etc. J’ai moi-même pu constater sur place, au Schumacher College de Dartington, centre nerveux de toute la mouvance transitionnelle organisée, que nos amis anglo-saxons, au demeurant très flattés de l’intérêt porté à leurs idées et actions collectives (bien résumées, mais en anglais exclusivement, dans une vraie Bible, The Transition Handbook, Green books,2008), ne savaient pas grand-chose à l’époque de tout ce qui pouvait bien se tramer de similaire sur le Continent d’en face!

Et c’est pareil dans l’autre sens : les « Initiatives de transition » anglaises sont aussi peu documentées et médiatisées chez nous, en Europe continentale, que semblent l’être, dans l’univers culturel anglophone, Etats-Unis inclus, certaines démarches citoyennes collectives venues d’ailleurs et qui mériteraient pourtant, au vu de leur originalité et de leur utilité sociale, d’être partagées ou répliquées.

On pourrait multiplier les exemples. Jusqu’à il y a peu, les sites publics ou semi-publics d’open-government et/ou de démocratie directe (comme Government In The Lab, OpenIdeo, Démocratie & Participation) n’étaient encore que faiblement reliés, voire pas du tout en contact.

Sauf à faire une veille informative très pointue, difficile dans ces conditions donc, pour des écologistes urbains de Londres ou de New York par exemple, de découvrir que la création, par la Mairie de Paris, d’un accès en « open data » au registre des plantations arborées de la capitale française, avait permis à des associations d’internautes locaux d’en établir immédiatement un cadastre interactif, une application fort utile désormais aux institutions parisiennes de soins en allergologie comme aux associations de patients allergiques. Une bonne idée à copier et exploiter pourtant (tout comme la green guerrilla londonienne…)

Un autre exemple vécu me revient en tête. Qui connaît aujourd’hui, en dehors des pays scandinaves et de quelques membres du réseau ESAN (European Social Action Network, Réseau européen d’action sociale), la remarquable initiative sociale qu’est le Pojkprojekt suédois en faveur des garçons pré-ados en dérive parentale, expérimentée avec succès par plusieurs municipalités en Suède? Et pourtant, combien d’associations de banlieues urbaines seraient intéressées et bien inspirées de proposer ainsi un subtil modèle paternel de substitution à des petites groupes de gamins échappant à toute autorité morale?

Et pour ce qui est de changer le monde et éveiller les consciences collectives locales, quelles passerelles, quels échanges n’y aurait-il pas à bâtir en co-construction, fondée sur un vrai web symbiotique, à partir des magnifiques exemples de réalisations de terrain que nous offre aujourd’hui l’Afrique qui change avec, en français et en anglais soulignons-le, le réseau Harubuntu

L’appel est donc lancé pour un projet porteur, citoyens du monde. Résumons. Un nom, une image, un logo à trouver, sans doute. Mais surtout un porteur de projet aux reins solides, peut-être un institutionnel du W3C (World Wide Web Consortium pour les intimes). Et, plus essentiel encore, un réseau de développeurs en open source, open data, pour faire exister aussi vite que possible ce qui n’est encore, il faut bien l’admettre, à pareille échelle macroscopique, qu’une belle utopie. Un réseau de réseaux de réseaux sociaux à usage collectif et altruiste. Un Network au cube. Traduisez^^et faites passer s.v.p. …

(JD, première publication sur Jacky Degueldre diablogue, 17 avril 2011)

Le pouvoir citoyen: nous serions-nous trompés?

Merci beaucoup pour ce rapport de mission!

C’est toujours avec fierté que je lis les opinions de francophones au sujet du gouvernement ouvert. Il s’agit du cinquième rapport provenant d’un citoyen francophone, après celui de Jean-François Gauthier (Mon cheminement sur le gouvernement ouvert), celui de Michel Filippi (Un philosophe a-t-il son mot à dire sur l’Open Government?) et les miens (Longing for open government et Towards open government and Francophonie). Je t’invite à les lire et à les commenter, si tu as une minute.

Par ailleurs, j’en profite pour rendre hommage à la vivacité et la beauté de ta plume, style unique, qui est fort agréable à parcourir. Il faut donner cela à la merveilleuse langue française, nous disposons d’une mine de vocabulaire pour jouer avec les mots. À ma connaissance, il n’existe pas de défenseur du gouvernement ouvert qui écrive avec autant de style que toi. (Une bonne tape amicale d’encouragement et de félicitations!)

Tu as indiqué qu’un «nouveau mode opératoire reste à inventer». Je suis entièrement d’accord avec cela. Il y a deux jours, le philosophe expérimental Michel Filippi écrivait quelque chose de semblable, dans un rapport de mission Edgeryders:

«Chacun est appelé à mettre au service de la communauté ses compétences, ses techniques. Je dirais que chacun est appelé à faire ainsi parce que nous ne savons pas ce qu’est un Gouvernement ouvert, un Open Government. Bien sûr, nous pouvons chacun convoquer des exemples de communautés plus ou moins importantes pratiquant ou ayant pratiqué ce qui nous semble être un Gouvernement ouvert. Ces communautés peuvent nous servir de modèles, mais nous savons que ce n’est pas cela que nous voulons atteindre. Nous n’avons comme solution que d’affirmer que c’est l’ensemble des connaissances de chacun, connaissances apportées par l’expérience, le métier de chacun, qui peut nous permettre de construire l’OpenGov ou des exemples différenciés de celui-ci.»

Il y a près d’un an, en Belgique, il y a eu un grand «splash» de lancement d’initiatives de données ouvertes. Le 3 mars 2011, j’écrivais que “La Belgique s’engage dans une démarche de données ouvertes”. Puis, j’ai trouvé qu’il était difficile par la suite de discerner le développement à travers le pays. Pourrais-tu nous en parler, Jacky? Pourrais-tu nous décrire la naissance des données ouvertes en Belgique, et vers quoi cela tend en ce moment? Est-il question d’étendre les politiques de données ouvertes au gouvernement ouvert?

Sur cette photo: Alain Franchon.

De plus, en lisant ton texte sur le pouvoir citoyen, je ne peux m’empêcher de repenser à un récent article (8 décembre 2011) d’Alain Franchon, journaliste et directeur français de l’information du ‘Monde’, Le printemps arabe, les islamistes et les autres. Il m’a fait redresser les cheveux sur la tête. Pour lui, l’influence des citoyens par le biais des médias sociaux, c’est ne serait rien de moins que de la foutaise! Le pouvoir ne reviendrait pas aux utilisateurs de médias sociaux.

«Soyons honnêtes: ces lendemains électoraux de “printemps arabe” nous laissent la gueule de bois. Après le moment lyrico-révolutionnaire, retour au réel: la force dominante dans le monde arabe, ce sont les islamistes. Pas les courageux jeunes gens qui ont risqué leur vie au nom des libertés – d’expression, de mœurs, de rêve.

Première leçon. Le pouvoir ne revient pas aux gentils utilisateurs de Twitter, Facebook et autres “réseaux sociaux”; il se prend à l’ancienne, avec des partis de militants bien organisés comme ceux des islamistes. Les élections ne se décident pas dans les cafés Internet.»

Le printemps dernier, nous avons cru en un éveil du pouvoir du citoyen par les médias sociaux. Et cela nous a fait espérer une progression du mouvement du gouvernement ouvert à travers le monde.

Nous avons entendu des décideurs francophones dire que les événements du printemps arabe les avaient fait prendre conscience de ce pouvoir-citoyen. Par exemple, le député-maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, l’a clairement expliqué dans cette vidéo-interview de Simon Robic. Quelques semaines après cette interview, il annonçait que Nantes étendrait son programme de données ouvertes à une «nouvelle gouvernance participative», devenant ainsi la première ville francophone au monde à se lancer dans le gouvernement ouvert. (Cela ne s’appelle pas gouvernement ouvert, mais semble tendre vers les mêmes principes de transparence, participation et collaboration avec les citoyens.)

Nous serions-nous trompés?

Il n’y a toujours pas un seul État francophone ayant amorcé une initiative de gouvernement ouvert. Quelles sont les réelles perspectives de développement de cette tendance de gestion publique en Belgique, de même que dans les autres pays francophones? Comment entrevois-tu l’avenir dans ce domaine?

Que peuvent faire les citoyens de Belgique pour obtenir davantage de gouvernement ouvert?

Lambda?

C’est assez clair! Duex petites questions?

  1. Pourquoi lambda?
  2. Qu'est-ce que ta experience dans la construction concréte de la lambdacratie?

Bonne question, Alberto: pourquoi lambda (λ), λάμϐδα, 11e lettre de l’alphabet grec ancien (aucun rapport avec l’ancienne Lancia du même nom, sinon l’origine étymologique)

Parce que, en français en tout cas, “le citoyen lambda” est une expression consacrée par l’usage moderne, médiatique notamment, pour désigner un individu quelconque, moyen, standard (en anglais on pourrait dire ‘average’ ou encore ‘ordinary’ people). Un bon dictionnaire comme Hachette propose d’ailleurs comme exemple usité bien significatif: Le citoyen lambda n’est pas touché par cette mesure.  En termes de moyenne, on notera que la lettre lambda se situe au milieu de l’alphabet grec, qui en compte 24.

Maintenant, pourquoi ne parle-t-on pas plutôt usuellement du citoyen bêta (qui veut aussi dire bête, stupide, en langage familier), kappa, sigma ou epsilon, autres lettres symboliques (mais toutes le sont dans l’alphabet grec… de l’alpha à l’omega, à mi-chemin desquels se situe lambda)?

Probablement parce que, morphologiquement, le caractère lambda est, debout sur ses deux jambes, le plus anthropomorphe de tous - alors que l’alpha, lui, comme son équivalent hébreu aleph, se présente comme une tête d’animal, un boeuf cornu). Lambda convient donc bien à la représentation lexicale d’un homme, individu…quelconque.

Il est possible aussi que la notion lambda soit, dans son usage récent (XXe siècle) dérivée des sciences, que ce soit la science physique, où la minuscule λ désigne notamment  la longueur d’onde - et ne dit-on pas de plusieurs individus qu’ils sont, ou non, sur la même longueur d’onde ? - ou plus vraisemblablement la science mathématique statistique appliquée aux statistiques humaines. Avec un facteur λ lié aux variables fonctionnelles, ou encore aux calculs de probabilités relatives au taux de défaillance en fiabilité de certains paramètres (des hommes comme des machines). C’est une explication mais, n’étant pas mathématicien, je ne m’avancerai pas plus de ce côté…

Quant à mon expérience dans la construction concrète de la “lambdacratie”,demandes-tu, … on pourrait dire que la publication même de cet article est une pierre à l’édifice, comme d’autres textes du même ordre, en français, ayant trait à la démocratie directe et beaucoup plus lus, textes que tu pourras notamment trouver sur mon blog ou sur celui du Nouvel Observateur (par exemple à propos des sociétés de la peur ou de la constitution de ‘cyberparlements’).

http://leplus.nouvelobs.com/jackydegueldre

Mais si tu veux parler d’actions concrètes, alors je te dirai que je travaille depuis dix ans, dans le secteur associatif humanitaire, principalement pour la cause de l’intégration sociale des réfugiés et demandeurs d’asile (j’ai par exemple créé et/ou mis en réseau plusieurs jardins potagers solidaires, fonctionnant comme “terrains de rencontre” sociale bien concrets, en régions bruxelloise et wallonne).

Que j’ai ainsi coordonné durant cinq ans au moins des campagnes de sensibilisation socio-culturelle, utilisant souvent l’expression artistique, et des actions de terrain en éducation permanente (longlife learning), où il n’était question que d’engagement citoyen (en lutte contre l’extrême droite surtout) et de volontariat - bénévolat que je pratique moi-même en tant qu’administrateur, depuis 7 ans, de la Coordination d’Initiatives pour Réfugiés et Etrangers (CIré).

Que tout mon activisme, en ligne (sur les réseaux sociaux, durant le Printemps arabe en particulier) ou sur le terrain , - que ce soit en relation avec les “Initiatives de transition” (Transition Network), l’OpenGovernment  ou le Réseau des Résistances Innovantes qui chez nous a tenté de fédérer la culture associative alternative - , est résolument tourné vers l’empowerment individuel, l’implication personnelle et l’affranchissement libertaire du citoyen, être social conscientisé et responsabilisé, qui peut et doit, idéalement, assumer lui-même ses choix de société et initier ses actions politiques, sans les déléguer aveuglément à la particratie classique.

Deux exemples personnels très concrets:

  • dans la très longue crise politique que vient de traverser mon pays, je ne suis pas resté passif ou résigné, je me suis posé en leader d’opinion provocateur en prenant l’initiative de concevoir et de diffuser moi-même, dans le champ médiatique, un scénario plausible, stratégiquement et constitutionnellement acceptable, d’évolution de la Belgique fédérale vers une Union Belgique confédérant, après sécession de la Flandre, trois communautés régionales homogènes et autonomes, avec une implication directe des institutions de l’Union européenne dans la co-gestion de la capitale de l’Europe; je pense que certaines de ces suggestions ont pu ou pourraient encore influencer à terme, goutte à goutte, la réforme de nos institutions.

-  en tant que citoyen concerné par la problématique des indemnités de remplacement en cas de perte d’emploi, j’ai à titre personnel, mais dans un souci collectif, saisi les services du médiateur fédéral d’une plainte technique concernant l’inadéquation des délais administratifs réglementaires de paiement, inacceptables car beaucoup trop longs, avec d’une part la réalité socio-économique actuelle marquée par un contexte de précarité croissante d’une part, ainsi qu’avec d’autre part la vitesse opérationnelle en croissance exponentielle des systèmes informatiques publics, qui devraient permettre d’accélérer les procédures de validation des dossiers pour aider plus vite les citoyens dans le besoin.

Je conçois que les exemples donnés puissent être difficiles à comprendre, ainsi résumés dans leurs grandes lignes théoriques. Mais j’aurai peut-être l’occasion de publier prochainement sur Edgeryders un papier racontant de manière plus concrète (storytelling) comment peuvent se passer les choses quand un “citoyen lambda” décide de se faire entendre et respecter par les services de l’Etat, ou même de corriger leurs dysfonctionnements par de l’intervention directe…

Sans doute à bientôt pour en reparler!

Bonne question, Alberto: quid de la lambdacratie au quotidien? (

Comment pratiquer concrètement la lambdacratie, la reconquête d’une parcelle de pouvoir autonome par le simple citoyen, le citoyen Lambda, avec et au profit d’autres « simples citoyens »? En s’armant de bonne volonté et en se dotant d’instruments simples et efficaces au service de cet objectif commun. Ce qui n’est pas toujours évident, faute de temps collectif, d’argent ou de moyens techniques adéquats.

AGIR LOCAL, PENSER GLOBAL? PENSER LOCAL, AGIR GLOBAL?

Il y a quelques années, à Bruxelles, lors d’une assemblée censément constituante de feu(?) le « Réseau des résistances innovantes » lancé à l’initiative des Amis du Monde diplomatique, j’avais été frappé par l’évidence d’un vrai paradoxe dans le (dys)fonctionnement usuel de notre société.

D’une part, l’incroyable foisonnement local des initiatives citoyennes venant des milliers de femmes et d’hommes de bonne volonté qui peuplent le monde associatif, chez nous comme partout. Ce qui représente une véritable force de pression sociale, économique et environnementale. Un authentique contre-pouvoir populaire, démocratiquement opposable, a priori, dès lors qu’il prend conscience de sa puissance de feu, à la tentation totalitaire de toute machine étatique.

D’autre part, comme par un effet de miroir systémique, l’incommensurable faiblesse structurelle de ce même monde associatif, résultant de la multiplication des centres d’intérêt donc de la dispersion centrifuge des efforts, du gaspillage des énergies individuelles, du cloisonnement, de la méconnaissance réciproque, voire de la concurrence latente (en termes de notoriété, de moyens d’action ou de publics-cibles) entre des initiatives œuvrant en parallèle, dans une superposition souvent anarchique, sur un même territoire restreint. D’où un vrai besoin de mise en réseau…

Du coup, l’idée m’était venue en réunion de proposer l’établissement d’un cadastre territorial large, de type infographique en 3D, des résistances innovantes. Une sorte de recensement cartographique permanent des opérations d’action citoyenne, répertoriant et connectant thématiquement toutes les initiatives locales, de manière à en favoriser à moyen terme le maillage opérationnel, les échanges de bonnes pratiques, la visibilité et l’efficacité globales.

Est-il besoin de préciser que cet enthousiasmant mais colossal projet, applaudi par tous, dort encore quelque part dans les archives de réunions oubliées entre utopistes de divers bords… à moins qu’un projet semblable bouillonne en ce moment même dans les éprouvettes numériques de GovInTheLab?

Dans l’organisation d’éducation permanente (Présence et Action Culturelles) que je représentais alors, nous avions pourtant contribué, quelques temps auparavant, à mettre en place une base de données collectant les outils pédagogiques au service de l’idéal démocratique, en connexion avec la Coordination nationale pour la paix et la démocratie. Nous avions même co-organisé entre associations, en un même lieu et avec une programmation d’une journée en ateliers d’échange, une bourse aux outils pédagogiques, « Vive la démocratie! », dont Internet garde encore quelques traces.

En recherchant les coordonnées actuelles de cette base de données d’outils démocratiques, ne serait-ce que pour m’assurer de sa continuité et de son actualisation – qui semble heureusement se poursuivre- , je suis tombé sur un article publié en 2009 dans L’Humanité par le professeur Robert Charvin, sous le titre « Quels outils démocratiques pour le changement? »

En guise de conclusion momentanée à tout ceci, je me permettrai d’emprunter à son exposé ces trois paragraphes introductifs, qui me paraissent cerner pertinemment les enjeux mutuels de la participation démocratique et de ce qu’Alain Jouffroy appelait naguère, judicieusement selon moi, « l’individualisme révolutionnaire », imposant à l’individu lambda activiste la distanciation critique d’avec le collectif …

« Socrate, il y a quelque deux mille ans, ne concevait le débat démocratique

qu’à la condition que chacun soit en position d’adhérer aux approches de

l’autre, de s’enrichir de la contribution de l’autre pour se reconstruire

différent. Or n’assimile-t-on pas la « démocratie » à la simple affirmation

de soi face à l’autre, conduisant le plus souvent à la seule confirmation de

ses propres positions contre celles des autres ?

« Le philosophe Horkheimer, dans les années 1930, considérait qu’un

intellectuel n’était utile aux mouvements sociaux auxquels il collaborait

que s’il conservait une certaine distance critique par rapport aux siens

pour leur procurer une contribution spécifique.

« Or les forces politiques ne sollicitent-elles pas seulement des intellectuels

une « expertise » confortant les décisions déjà prises ou fournissant un

simple appui symbolique ? »

Voilà un authentique plaidoyer pour une farouche autonomie de la pensée et de l’action individuelles, qui débouche chez Charvin sur une question à mes yeux essentielle:

« Si chacun perd le potentiel de rébellion qu’il a en lui, comment peut-il y avoir enrichissement collectif ? »

(JD)

---------- Ressources en ligne citées:

http://www.cnapd.be/-Outils-pedagogiques-.html

http://www.oxfamsol.be/fr/Bourse-aux-outils-pedagogiques.html

http://www.pcfbassin.fr/Fichiers%20PDF/Politique/Quels%20outils%20democratiques%20pour%20le%20changement.pdf

L’idée d’une carte + virtuoses en nouvelles technologies = ?

Jacky, voilà une discussion des plus intéressantes!

Effectivement, comme tu l’as mentionné, l’idée d’un «cadastre territorial large, de type infographique en 3D, des résistances innovantes» est en ébullition, à quelques pas de nous seulement…

JohnFMoore de Government in the Lab effectue régulièrement des efforts pour identifier des forces vives. L’entreprise Government in the Lab en elle-même a pour mission d’identifier et de rassembler des acteurs, tout en se positionnant comme la première source d’information sur le gouvernement et la politique.

Au printemps 2011, TheLab a constitué une liste d’évangélistes de gouvernement ouvert (cette liste m’a été fort utile). Grâce à ces efforts, une communauté de pratique a été bâtie et elle se consolide mois après mois. TheLab a aussi tenté de répertorier, avec l’aide de la communauté, tout ce qui se faisait en termes de gouvernement ouvert et données ouvertes - toutes les initiatives. Il faudrait interroger JohnFMoore sur l’avancement de ce répertoire. Puis TheLab a constitué dernièrement une liste des leaders politiques actifs sur Twitter. Il y a probablement eu initiation de plusieurs autres répertoires, que je n’ai pas mentionné ici. Il serait intéressant de demander à JohnFMoore de nous fournir les liens de ses nombreux répertoires.

Les efforts de GovintheLab m’ont inspirée, ils m’ont donné le goût de créer des répertoires locaux. Par exemple, j’ai été la première à publier un répertoire des comptes Twitter du gouvernement du Québec en mai 2011. Je ne suis qu’une citoyenne parmi tant d’autres. Il serait intéressant d’analyser les effets positifs d’effet d’entraînement et le véritable rayonnement de GovintheLab sur les communautés à travers le monde.

Il est fort regrettable que TheLab n’ait pas davantage d’appui financier de la part des institutions gouvernementales. Le travail effectué par cette entreprise sociale rapporte énormément à la communauté, mais ce travail n’est pas encore reconnu à sa juste valeur, ni ceux qui se dévouent pour l’effectuer. Malgré le peu de ressources financières et humaines, il faut reconnaître qu’avec quasiment rien, de véritables prouesses sont réalisées. Imaginons un peu ce qui pourrait arriver, tout ce qui pourrait être accompli, si TheLab était mieux soutenu!

Pour ton information, l’équipe Edgeryders a discuté, en novembre dernier, à Strasbourg, de la possibilité de mettre en place une carte du monde répertoriant les participants Edgeryders, sur laquelle des individus, des projets, des associations, pourraient eux-mêmes venir s’y greffer, ou encore compléter en ajoutant des informations qu’ils possèdent.

Il y a au sein de l’équipe Edgeryders, plusieurs virtuoses en termes de maîtrise des nouvelles technologies, pour qui créer une carte de cette nature semble être un véritable jeu d’enfant. Par exemple, Alberto Cottica a raconté dans son rapport de mission sur Spaghetti Open Data http://edgeryders.ppa.coe.int/hacking-change/mission_case/spaghetti-open-data-little-thing-feels-right, comment en quelques heures à peine, il est très rapidement parvenu à créer un projet de données ouvertes, que des gouvernements prennent des années à mettre sur pied. Il existe une expression très colorée pour décrire ce phénomène: les doigts dans le nez. C’est une image amusante, qui démontre avec quelle facilité certains individus peuvent accomplir des tâches que d’autres peineraient à effectuer.

Dans le réseau Edgeryders, il y a donc plusieurs de ces virtuoses, qui arriveraient rapidement à bâtir un outil de cartographie, les doigts dans le nez! Alberto Cottica, Vinay Gupta (@leashless), etc. Nous pourrions voir avec ces participants ce dont ils auraient besoin pour concrétiser ce projet, et qui accepterait d’y consacrer queque énergie. Je suis persuadée qu’en un rien de temps, il pourrait naître un outil qui deviendrait fort utile à notre communauté.

P.S. Concernant Socrate… vive la philosophie! Deux mille ans plus tard, nous n’avons pas encore réussi à appliquer correctement les modèles de Socrate. Peut-être que c’est pour bientôt… Ton commentaire rejoint ceux du philosophe expérimental Michel Filippi, un autre type de virtuose, qui est très actif chez Edgeryders. Par exemple, il a initié la discussion, «Des hommes et de notre civilisation», qui pourrait t’intéresser. Tu peux y jeter un coup d’oeil ici: http://edgeryders.ppa.coe.int/shine-some-light/mission_case/des-hommes-et-de-notre-civilisation

Souhait accompli! Une carte interactive pour toi

Allo Jacky, comment vas-tu? J’ai remarqué que tu as modifié le titre de ton rapport de mission. Je pense que c’est mieux ainsi (plus court).

BONNES NOUVELLES! JohnFMoore a créé une carte interactive, répondant à ton souhait. Tu peux aller t’ajouter sur cette carte, il y a une catérogie pour les individus, et une autre pour les organisations. Il n’y a qu’à suivre le lien indiqué dans ce rapport de mission de JohnFMoore (profite-en pour lui donner une bonne tape d’encouragement et de remerciements!). http://edgeryders.ppa.coe.int/bootcamp/mission_case/mapping-our-way-global-vision-positive-change

As-tu une idée de la manière dont nous pourrions nous y prendre pour faire participer un maximum de gens Edgeryders, et de l’extérieur également?

Printemps arabe modifie l’équilibre des forces

Tiens, Jacky, je partage ce lien avec toi, qui m’a été signalé hier par Michel Filippi sur Facebook. C’est pour faire suite au premier texte sur le pouvoir citoyen (que tu as écrasé avec un second texte. Aie!).

Ca m’a fait penser à toi: Le “printemps arabe” modifie l’équilibre des forces au Moyen-Orient (experts).