Une plateforme de données politiques au coeur d'un projet citoyen

L’open data a deux facettes. D’un côté, les données publiques sont sources de transparence démocratique car elles éclairent la réalité des politiques publiques et des choix de ceux qui gouvernent. De l’autre, les données publiques sont sources de création de valeur car elles dynamisent l’écosystème des entrepreneurs qui conçoivent des applications et services numériques innovants.

Mais bien souvent, la rencontre de ces deux facettes semble difficile. Si l’open data démocratique est vu comme une démarche nécessaire pour la société, des questionnements demeurent sur sa pérennité dès lors qu’il ne repose pas sur un modèle économique. Quant à l’open data économique, il souffre en France de contraintes culturelles qui continuent à peser sur la réutilisation commerciale des données publiques.

C’est dans ce contexte que Voxe.org a été lancé en février 2012 à l’occasion de l’élection présidentielle française. Voxe.org est un comparateur neutre et international de programmes politiques disponible sur un site web, des applications mobiles et un widget exportable. Il permet en quelques clics de comparer les propositions des candidats autour d’un thème donné, tout en bénéficiant d’un contenu enrichis en vidéos, en définitions et en datavisualisation de données publiques. À terme, le comparateur a vocation à s’élargir à l’international pour intégrer toujours plus de programmes politiques.

Du tuyau à la plateforme

Conscient qu’il est tout à fait possible de concilier l’open data démocratique et l’open data économique, nous avons fait le choix de penser Voxe.org dans le cadre d’une  plateforme, seul modèle qui puisse dépasser la simple comparaison de programmes politiques pour encourager la constitution d’un écosystème d’applications.

On peut en effet concevoir la diffusion des données publique selon deux modèles. Le premier modèle, celui du tuyau (dumb pipe), consiste à concevoir la diffusion des données publiques par un point unique d’accès se limitant à proposer un catalogue de données à télécharger.

L’autre modèle, c’est celui du “Government as a Platform” de Tim O’Reilly (2010). On peut alors concevoir une plateforme de données publiques comme l’environnement informatique qui décuple le potentiel des data en permettant à l’écosystème d’applications de se brancher à cette plateforme par le biais de son API (Application programming interface).

Pour faire simple, les data sont introduites dans la plateforme puis disponibles et actualisées en temps réel. Des développeurs peuvent alors se brancher sur cette plateforme pour bénéficier de données qu’ils vont valoriser au travers de services et applications, éventuellement dans le cadre d’un mashup avec leur technologie ou d’autres API. L’environnement de cet écosystème, c’est la co-création.

Data, palteforme et co-création

Cette chaîne data > plateforme > co-création est au coeur de la démarche voulue par Voxe.org : ne pas se limiter à l’open data démocratique et proposer une API ouverte pour créer un écosystème d’applications autour du comparateur de programmes politiques. Ainsi, il est possible de récupérer ces données pour les réutiliser, dans un but lucratif ou non.

Pour encourager cette démarche autour de la plateforme, Voxe.org a organisé en mars 2012 un hackathon qui a permis de créer une dizaine d’applications construites avec l’API du comparateur, tandis que des startups présentes lors de l’événement ont développé des applications reposant sur un mashup de leur technologie et de l’API de Voxe.org.

Créer une plateforme de données politiques dans un environnement de co-création, c’est toute l’ambition du projet de Voxe.org.

Que signifie 'open data démocratique" ?

J’aurais besoin que tu éclaires mes lanternes à propos de ce projet de plate-forme. Je n’arrive pas trop à visualiser…

Dans la phase initiale de Voxe, j’ai compris qu’il s’agit de recueillir de l’information sur les programmes électoraux, classées par candidat d’élection.

J’aimerais savoir que signifie pour vous l’expression “open data démocratique”.

C’est quoi de la “co-création”, pour vous?

Peut-être que je fais fausse route, mais voici grosso modo en quoi consiste mon raisonnement. Il y a une élection, et un nombre X de candidats, qui correspondent à un nombre x de partis politiques. Ces infos sont colligées sur Voxe. Il arrive souvent que les idées véhiculées dans les programmes politiques ne correspondent pas vraiment aux aspirations des citoyens, parce que la plupart du temps, ces partis et leurs candidats, ne sont pas vraiment branchés, connectés sur les citoyens. D’après cette hypothèse, l’ensemble des idées contenues dans les programmes électoraux, c’est-à-dire, les données recueillies sur Voxe, ne fourniraient qu’une vision partielle des possibles, car elles n’incluent pas les aspirations réelles d’une population.

J’entrevois votre projet, Voxe, comme ayant comme capacité - à sa plus haute vision de lui-même - de dresser un portrait de la partie existante des idées, celles des candidats aux élections. Appelons cela le pôle positif… en supposant que nous faisons référence au langage quantique.

Il nous manquerait le pôle négatif, c’est-à-dire la partie des idées et des aspirations d’une population.

Et ensuite, on pourrait comparer les portraits des deux pôles, et voir si les deux se rejoignent.

Et ensuite — probablement que cela ne se rejoint que très partiellement — ensuite, on pourrait prendre cela et aller voir les gouvernements et leur dire: “Regardez vers quoi aspire votre peuple. Ajustez vos politiques et vos projets pour que le tout s’aligne dans cette direction.”

Nous pourrions comparer cela à un iceberg. Voxe est la partie que l’on voit, et ce que l’on ne voit pas, qui est sous l’eau, ce sont les paramètres inconnus, les idées et idéaux d’une population.

On pourrait comparer cela à deux portraits imprimés sur une pellicule transparente. Lorsqu’on superpose les deux contre la lumière, on peut voir jusqu’à quel point les deux fusionnent, ou ne fusionnent pas du tout.

Je me disais que vos données pourraient aider à identifier ce qui manque, aider les citoyens à se forger leur propre vision de ce que devrait faire le gouvernement. Prendre connaissance des idées des candidats serait une première étape dans un processus de remue-méninges collectif, qui permetrait d’avoir recours à la créativité pour tenter de discerner dans quelle direction un gouvernement devrait avancer. Mais cela n’est pas encore de la co-création, parce qu’il n’y a qu’une partie impliquée, les citoyens. Je considère qu’il faudrait trouver des façons d’inclure l’autre partie, c’est-à-dire des élus et des gestionnaires gouvernementaux, pour qu’ait lieu la co-création, co-production, ou co-gouvernance.

Quelles sortes d’applications sont en cours de construction?