Longing for open government

ACTION SUR LA FORME

Jusqu’à présent, nous avons discuté de modèles, mentionné le processus de «verrouillage», et souligné l’importance de l’analyse des données.

Nous entrons dans le vif du sujet, c’est-à-dire la création des données. J’ai beaucoup parlé ces derniers mois de «co-création, co-production» entre un gouvernement et des citoyens.

ÉNONCÉ DE MISSION

Sur Twitter, Michel Filippi m’a pointé un article de @karlpro datant d’avril 2009 sur la «proximité sémantique» en photographie (http://www.la-grange.net/2009/04/28/proximite-semantique). Michel, qui a nous a expliqué qu’il possède un talent naturel pour «trouver des relations inédites semble-t-il entre les gens, les actions, les choses». (Voir «Comment je suis devenu philosophe» http://edgeryders.ppa.coe.int/share-your-ryde/mission_case/comment-je-suis-devenu-philosophe). En pointant cet article, il effectue un parallèle entre le développement social de l’image et ce qui pourrait survenir aussi dans un contexte de gouvernement ouvert.

«Le nombre d’utilisateurs et le volume de données donnera sa forme au système. Laisser émerger la forme de l’action, plutôt que de modéliser l’action sur la forme», a indiqué Karl Dubost (un Montréalais).

Ceci pourrait constituer (je vous lance la proposition), l’inspiration pour l’énoncé d’une mission collective que plusieurs participants de nombreux pays européens (et au-delà de ce territoire), pourraient entreprendre chacun dans leurs localités, et rapporter leurs impressions sur la plate-forme Edgeryders. La semaine prochaine, l’équipe Edgeryders se penchera sur la formulation de cette mission collective, et nous pourrions en discuter ici.

DIVERS IRRITANTS QUI PEUVENT CONDUIRE AU «VERROUILLAGE»

D’ici là, j’aimerais revenir sur le «verrouillage», et explorer quels pourraient être divers irritants ou contextes pouvant pousser des décideurs et gestionnaires gouvernementaux à s’envelopper dans ce genre de processus.

J’ai tenté de comprendre d’où vient les craintes, la peur du changement. J’ai cherché des réponses chez les neuroscientifiques. Il est possible d’entraîner son cerveau à entrevoir les choses différemment, et cela a un effet libérateur sur la créativité. «Les iconoclastes sont en mesure de faire des choses que les autres disent ne peut être faites, parce que les iconoclastes perçoivent les choses différemment des autres. Cette différence de perception joue un rôle crucial dans les premières étapes d’une idée. Cela influe sur la façon dont les iconoclastes gèrent leurs craintes, et cela se manifeste dans la façon dont ils présentent leurs idées aux masses de non-iconoclastes», indique le Dr Gregory Berns (http://findarticles.com/p/articles/mi_6714/is_1_52/ai_n31297694/).

Par ailleurs, j’ai identifié d’autres facteurs nuisibles à l’essor du gouvernement ouvert, tels que les tactiques de la communication perverse, et la corruption. Il doit y avoir de nombreux autres irritants, que nous pourrions tenter d’identifier ensemble, afin d’aider les instances du Conseil de l’Europe à formuler des recommandations facilitant l’implantation de gouvernements ouverts sur le continent.

Un gouvernement ouvert ne s’implante pas dans n’importe quel contexte. Certaines conditions doivent être en place, sinon on assiste à une perte de sens, comme cela peut être observé avec le modèle de gouvernement ouvert du gouvernement fédéral canadien. Il y a eu une déclaration de gouvernement ouvert. Mais il est demeure difficile de décrire à quoi cela correspond.

LES CONDITIONS FAVORABLES

Je considère qu’il devrait y avoir:

>>> De l’écoute. Un dirigeant gouvernemental doit bien percevoir ce que chacun a besoin et ensuite mettre ses perceptions en action. (http://lynerobichaud.blogspot.com/2011/02/lecon-no1-de-leadership-du-xxie-siecle.html)

>>> Un partage de soi-même. De la maîtrise de compétences de base dans la compréhension des attitudes et du comportement humain.  Être prêt à construire de vraies relations. Transparence dans les relations. Démontrer de l’authenticité et un intérêt personnel envers les autres.  (http://lynerobichaud.blogspot.com/2011/02/lecon-no2-de-leadership-etablir-des.html)

>>> Une prise de conscience qu’il faut changer de modèle de leadership. Alan Greenspan a déclaré en 1999 (http://news.bbc.co.uk/2/hi/8244600.stm): (Market crisis will happen again) «C’est la nature humaine. À moins que quelqu’un ne trouve un moyen de changer la nature humaine, nous aurons plus de crises.» Si nous voguons de crises en crises, c’est que nous n’avons pas compris quelque chose. (http://lynerobichaud.blogspot.com/2011/02/lecon-no3-de-leadership-etre-conscient.html)

>>> Une action éclairée. (http://lynerobichaud.blogspot.com/2011/02/lecon-no4-de-leadership-laction.html) Des gestionnaires gouvernementaux qui agissent en modèles d’excellence, orientés vers l’action. “Ai-je fait ce que j’ai dit que je ferais?”. Prendre des risques, demander du feed-back, etc.

RELATION PERVERSE

Ces dernières années, j’ai tenté de trouver des explications du côté de la psychiatrie. Les travaux de la (Française) Dre Marie-France Hirigoyen (http://www.mariefrance-hirigoyen.com/) sur le harcèlement moral, l’emprise et la violence perverse au quotidien, m’ont fait découvrir le modèle de la relation perverse: refuser la communication directe; déformer le message; mentir, manier le sarcasme, la dérision et le mépris; user du paradoxe; disqualifier; diviser pour mieux régner. Initialement, mes recherches concernaient les relations entre individus, mais je me suis rendue compte que la relation perverse existe malheureusement aussi à une plus grande échelle, dans un contexte politique. En observant les discussions et relations entre élus et gestionnaires gouvernementaux, j’ai remarqué que les diverses facettes de la relation perverse sont souvent à l’œuvre. Si ce type de relation est en place entre élus et décideurs, il pourrait se répéter aussi dans les relations avec les citoyens.

Tant que les décideurs gouvernementaux demeureront dans ce modèle, ils auront de sérieuses difficultés à implanter un gouvernement ouvert.

La communication perverse consiste, selon la psychiatre Dr Marie-France Hirigoyen, en «la mise en place de l’emprise utilise des procédés qui donnent l’illusion de la communication - une communication particulière, non pas faite pour relier, mais pour éloigner ou empêcher l’échange. Cette distorsion dans la communication a pour but d’utiliser l’autre

Refuser la communication directe

Le refus du dialogue est une façon de dire, sans l’exprimer directement avec des mots, que l’autre ne vous intéresse pas ou même qu’il n’existe pas. Avec n’importe quel autre interlocuteur, si on ne comprend pas, on peut poser des questions. Avec les «pervers», le discours est tortueux, sans explication, et conduit à l’aliénation mutuelle.

Déformer le langage

Le message est délibérément flou et imprécis, entretenant la confusion. Un élu ou gestionnaire peut dire «Je n’ai jamais dit cela», et éviter tout reproche. Offrant des propos dans lien logique, il entretient la coexistence de différents discours contradictoires.  Ce qui importe dans le discours, c’est la forme plutôt que le fond, paraître savant pour noyer le poisson.

Mentir

Plus souvent qu’un mensonge directe, un élu ou gestionnaire a recours à un assemblage de sous-entendus, de non-dits, destinés à créer un malentendu pour ensuite l’exploiter à son avantage. Dans son traité ‘L’art de la guerre’, rédigé vers le Ve siècle avant J-C, le Chinois Sun Tse enseignait: «L’art de la guerre est l’art de duper, en se donnant toujours l’apparence contraire de ce que l’on est, on augmente les chances de victoire.» Dire sans dire est une façon habile de faire face à toute situation. Un type de mensonge indirect consiste à répondre de façon imprécise ou à côté, ou par une attaque qui fait diversion.

Quoi que l’on dise, les «pervers» (narcissiques) trouvent toujours un moyen d’avoir raison. Vérité ou mensonge, cela importe peu pour ces personnes. Ce qui est vrai est ce qu’ils disent dans l’instant. Ces falsifications de la vérité sont parfois très proches d’une «construction délirante». C’est ainsi que l’on voit ces personnes entourer leur histoire d’un grand mystère qui induit une croyance chez l’autre sans que rien n’ait été dit: cacher pour montrer sans dire.

Manier le sarcasme, la dérision, le mépris

Vis-à-vis le monde extérieur, ce qui domine est le mépris, la dérision. Le mépris est l’arme du faible: il est une protection contre des sentiments indésirables. On se cache derrière un masque d’ironie ou de plaisanterie. Toutes les remarques désagréables constituent des blessures qui ne sont pas compensées par des marques de gentillesses.

Pour déstabiliser l’autre, il suffit de:

  • se moquer de ses convictions, de ses choix politiques, de ses goûts;

  • ne plus lui adresser la parole;

  • le ridiculiser en public;

  • le dénigrer devant les autres;

  • le priver de toute possibilité de s’exprimer;

  • se gausser de ses points faibles;

  • faire des allusions désobligeantes, ne jamais les expliciter;

  • mettre en doute ses capacités de jugement et de décision.

User du paradoxe

Sun Tse enseigne également que, pour gagner une guerre, il faut diverse l’armée ennemie avant même de commencer la bataille: «Sans donner de batailles, tâchez d’être victorieux.»  Dans une «agression perverse», on assiste à une tentative d’ébranler l’autre, de le faire douter de ses pensées, de ses affects. Le but est de nier tout en paralysant.  Le paradoxe vient le plus souvent du décalage entre les paroles qui sont dites et le ton sur lequel ces paroles sont proliférées. Le paradoxe consiste également à faire ressentir à l’autre de la tension et de l’hostilité sans que rien ne soit exprimé à son égard. Un discours paradoxal rend l’autre perplexe.

Disqualifier

Il s’agit de retirer à l’autre toute qualité, de lui dire et de lui répéter qu’il ne vaut rien, jusqu’à l’amener à le penser. La disqualification à travers l’usage du paradoxe, du mensonge et d’autres procédés sont destinés à enfoncer l’autre pour mieux se rehausser.

Diviser pour mieux régner

Sun Tse dit encore: «Troublez le gouvernement adverse, semez la dissension chez les chefs en excitant la jalousie ou la méfiance, provoquez l’indiscipline, fournissez des causes de mécontentement». Là où le «pervers narcissique» excelle, c’est dans l’art de monter les gens les uns contre les autres, de provoquer des rivalités. La jouissance suprême pour un «pervers» est de faire accomplir la destruction d’un individu par un autre et d’assister à ce combat d’où les deux sortiront affaiblis, ce qui renforcera sa toute-puissance personnelle.

CORRUPTION

Un autre contexte défavorable à l’implantation d’un gouvernement ouvert est la corruption. L’infiltration de la corruption dans les structures gouvernementales ne pousse pas les décideurs à la transparence.

La corruption est définie comme «une perversion ou détournement d’un processus ou d’une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d’obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d’obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance. Elle conduit en général à l’enrichissement personnel du corrompu ou à l’enrichissement de l’organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.).

Par ailleurs, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe définit la corruption comme «l’utilisation et l’abus du pouvoir public à des fins privées». Pour la Commission des communautés européennes, «la corruption est liée à tout abus de pouvoir ou toute irrégularité commis dans un processus de décision en échange d’une incitation ou d’un avantage indu».